PRIX COMBOURG CHATEAUBRIAND, 2024.
"Puisque la nuit était tombée sur ce monde de machines et de banquiers, je me donnais trois mois pour essayer d’y voir. Je partais. Avec les fées."
"Avec les fées, l’écrivain s’embarque le long de la côte celtique à la recherche du merveilleux."
Le Prix Combourg-Chateaubriand est décerné chaque année à un écrivain dont le style honore la mémoire, l’œuvre et l’esprit de François-René de Chateaubriand qui passa au Château de Combourg une partie de sa jeunesse.
LE FIGARO HISTOIRE, Vincent Tremolet de Villers, janvier 2024 :
"Avec les fées, Sylvain Tesson cherche le Graal'. L’écrivain publie le récit d'un périple mi-terrestre, mi-maritime sur ce qu'il nomme «l'arc celtique». Ce n'est pas Tintin au pays des merveilles, c'est une navigation intérieure, une méditation, une prière.
Claude Monet peignait ses impressions au soleil levant, Sylvain Tesson décrit ses sensations au soleil fuyant. Il quitte l'Espagne pour rejoindre l'Écosse à pied, en bateau, en grimpant les falaises pour accéder aux promontoires. Il cherche les fées dans la brume, la pluie, la lumière, la roche, l'écume, la nuit, le mouvement, le silence. Il cherche quoi ? L'éternité ? « C'est la mer allée avec le soleil », dit le poète, mais c'est beaucoup plus que cela. Il suffit d'ouvrir Avec les fées pour le comprendre. Ce « Go West » aquatique fait pendant au Blanc des Alpes dans lequel Tesson s'effaçait. Ici, l'auteur cherche le Graal, c'est-à-dire la seconde de cristal qui concentre toute la beauté du monde : la fée. Il le fait avec…
L'été venait de commencer quand je partis chercher les fées sur la côte atlantique. Je ne crois pas à leur existence. Aucune fille-libellule ne volette en tutu au-dessus des fontaines. C'est dommage : les yeux de l'homme moderne ne captent plus de fantasmagories. Au XIIe siècle, le moindre pâtre cheminait au milieu des fantômes. On vivait dans les visions. Un Belge pâle (et très oublié), Maeterlinck, avait dit : " C'est bien curieux les hommes...
Depuis la mort des fées, ils n'y voient plus du tout et ne s'en doutent point. " Le mot fée signifie autre chose. C'est une qualité du réel révélée par une disposition du regard. Il y a une façon d'attraper le monde et d'y déceler le miracle de l'immémorial et de la perfection. Le reflet revenu du soleil sur la mer, le froissement du vent dans les feuilles d'un hêtre, le sang sur la neige et la rosée perlant sur une fourrure de mustélidé : là sont les fées.
Elles apparaissent parce qu'on regarde la nature avec déférence. Soudain, un signal. La beauté d'une forme éclate. Je donne le nom de fée à ce jaillissement.
Les promontoires de la Galice, de la Bretagne, de la Cornouailles, du pays de Galles, de l'île de Man, de l'Irlande et de l'Ecosse dessinaient un arc. Par voie de mer j'allais relier les miettes de ce déchiquètement. En équilibre sur cette courbe, on était certain de capter le surgissement du merveilleux. Puisque la nuit était tombée sur ce monde de machines et de banquiers, je me donnais trois mois pour essayer d'y voir. Je partais. Avec les fées.
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