Préface de Dominique Barbéris.
Texte intégral.
LES LIVRES D'ANTOINE : lire l'article en entier
Ce classique de la littérature anglaise vaut le détour. Le romantisme y est certes très présent et c’est pour cette raison que certains le qualifient de désuet ou démodé. En réalité, c’est un très beau roman. D’une maturité d’écriture remarquable, il manie avec adresse les rebondissements qui sont loin d’être anticipés par le lecteur et celui-ci se laisse volontiers surprendre. Comme ses sœurs, Charlotte Brontë eut du mal à se faire publier. Mais la morosité de sa vie fut un ardent aiguillon. Car à l’instar de Jane Eyre, Charlotte eut une vie difficile. Orpheline très tôt, elle vécut dans une triste maison et une lande désolée. Elle s’y promènera souvent et ses superbes descriptions de la nature anglaise et de son climat redoutable en sont directement issues. Les analyses psychologiques sont également très réussies, y compris des personnages secondaires. La description du jeune pasteur Saint-John et de son égoïsme forcené camouflé sous des apparences de sainteté est remarquable.
Les aimables lecteurs de ce blogue savent que le XIXème siècle anglais y est très présent. De Jane Austen (Orgueil et préjugés, Persuasion) à George Elliot (Le Moulin sur la Floss, Middlemarch) en passant par Thomas Hardy (Les Forestiers) ou Charlotte Brontë, c’est une très belle littérature que nous offrent nos voisins d’Outre-Manche et beaucoup reste à dire.
D’où vient que nous revenions toujours à Jane Eyre avec le même attrait ? Avec le sentiment d’y trouver le romanesque porté à un degré de perfection ?
Sans doute, le roman offre un concentré de ce que le genre peut offrir : l’histoire d’une formation, l’affrontement d’un être solitaire avec sa destinée, la passion, la peur, le mystère. Il répond à ce qu’attendait Stevenson de toute fiction digne de ce nom : la lecture en est absorbante et voluptueuse. Absorbante, son intrigue habilement machinée tient en haleine le lecteur au point que l’éditeur, dit-on, lorsqu’il reçut le manuscrit, ne put en interrompre la lecture. Voluptueuse aussi, cette « romance » qui noue inextricablement la passion et la peur. On dirait presque que Stevenson pense à Jane Eyre lorsqu’il évoque (dans l’essai consacré à l’art de la fiction) le souvenir envoûtant d’un livre qu’il a lu dans l’enfance : « il était question, nous dit-il, d’une haute et sombre demeure, la nuit, et de gens montant à tâtons un escalier seulement éclairé par une lumière venant de la porte ouverte d’une chambre ».
Dès sa parution, en 1847, le roman a connu un immense succès. Même la reine Victoria le mentionne plusieurs fois dans ses notes de lectures L’excès est au coeur de la poétique du roman. Il opère une synthèse entre une forme de réalisme sombre, à la Dickens, le christianisme, son sens du mal, ses grands symboles, et le romantisme, héritier du courant gothique, cette « exploration littéraire des avenues de la mort » . Le personnage de Rochester est au carrefour de toutes ces influences : figure complexe de Satan, de Don Juan, de pécheur. La plus grande réussite de Charlotte Brontë est probablement d’avoir tiré d’elle-même, de cette soif qui « apprend l’eau », selon le mot d’Emily Dickinson, cette inoubliable figure de cavalier sombre, de maître hautain - ce parfait Adam.
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Fiche technique
- Reliure
- Broché
- Parution
- 2012
- Nombre de pages
- 834
- Hauteur
- 18
- Largeur
- 11.5
- Épaisseur
- 3.5
- ISBN
- 9782070446056