Que deviennent les valses de Vienne ?
PRESENT, Patrick Wagner, 3 juin 2022 :
Merci pour ce moment cher Alfred ! Merci d’avoir recréé le temps d’un instant un monde englouti, où savoir être et savoir vivre s’harmonisaient comme le mouvement aérien d’une valse viennoise. Un monde que la Seconde Guerre mondiale, soit dit en passant, n’aura pas complètement achevé (Quand bien-même la première guerre civile européenne l’avait déjà bien entamé en abolissant le suranné empire austro-hongrois) mais le wokisme saura achever le travail commencé.
Bref, Alfred Eibel, au fil de ses souvenirs, nous entraîne dans le Vienne des années cinquante, naviguant dans le passé avec nostalgie, entre mirages et mémoire sélective. Car il s’agit bien, dans ces années de reconstruction, après le désastre digéré, d’occulter les pages les plus sombres pour tendre vers des lendemains qui chantent encore l’ambiguïté d’une Zarah Leander. Ancien soldat de la Wehrmacht, on se persuade d’avoir œuvré loyalement. Acteur ayant servi la propagande de l’occupant, on disparaît un temps puis l’on retrouve les planches comme si de rien n’était. D’aucuns rentrent d’exil, essaient de retrouver leur vie d’avant. Pour cela il y a les théâtres et autres salles de concert. Et puis, il y a les profiteurs, petits et grands trafiquants en tout genre, ceux qui essaient de se faire une place au soleil du café Sacher dans une atmosphère feutrée, ponctuée de rires discrets. Enfin, des personnages plus énigmatiques, espions à la solde des nouveaux occupants russes ou américains, français ou anglais. L’ambiance pourrait être lourde, le devrait, or, l’éducation vous empêche et vous contraint : never complain, never explain !
Pour s’en convaincre, il suffit de rejoindre l’auteur à la pension Opernring. Tout un univers en format de poche s’y retrouve au salon ou dans la grande salle à manger éclairée par un lustre en cristal tel qu’on en trouve dans les théâtres, assurant une parfaite mise en scène, mesurée, codifiée des rapports quotidiens de ses hôtes. Si l’auteur s’amuse des faux-semblants et autres salamalecs, il n’en reste pas moins nostalgique : « Nous nous faisions des politesses d’un style qui évoquait l’Empire, style désormais hors de saison, que les émigrés revenus en Autriche après guerre avaient perpétué et qui donnait l’impression de ne pas avoir changé de siècle. »
Nous connaissions, pour les avoir fréquentés, les écrivains Arthur Schnitzler, Alexander Lernet-Holenia, Joseph Roth, Stefan Zweig… Ils anticipaient la Trümmerliteratur (littérature des ruines) décrivant le chaos de la guerre et de l’après-guerre. La culture, cependant, resta un élément central dans la reconstruction de l’Autriche et la redéfinition de son identité. Sous la plume alerte d’Alfred Eibel, elles reprennent vie tout comme deux autres passions de l’auteur : le cinéma et la musique. Ainsi, cinéastes, actrices se mêlent et s’entremêlent avec les compositeurs et autres cantatrices dans une ambiance mystérieuse propre au Troisième Homme de Carol Reed, mais l’auteur n’est-il pas un passionné de polar ?
VALEURS ACTUELLES :
Alfred Eibel évoque la société viennoise avec un mélange de fascination et de dégoût.C’est une plongée inattendue, avec un guide au sourire narquois, un peu voyou et très lettré
ELEMENTS :
Alfred Eibel livre avec ‘'Souvenirs viennois’' (…) ses souvenirs au cœur de la capitale autrichienne où il est né juste avant l’effondrement d’un empire. Un témoin irremplaçable.
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Au sommaire :
- Souvenirs viennois
- Feu le monde de jadis
- Après le III° Reich, Le Beau Danube Bleu
- Une cure à Baden
- Repères autobiographiques.
Alfred Eibel nous entraîne dans les années 1950 au coeur de la capitale autrichienne : exsangue, déchirée, sous l'emprise de ses quatre occupants, Vienne n'aspire plus qu'à renouer avec son passé féerique. Le théâtre, le cinéma et l'opéra deviennent les planches de salut des Viennois, habités par la volonté d'oublier le nazisme. Les vedettes flamboyantes de l'avant-guerre font leur réapparition, qu'elles aient été compromises par le IIIe Reich ou contraintes à l'exil.
C'est tout à la fois l'atmosphère du Troisième Homme, le roman de Graham Greene adapté au cinéma par Carol Reed, des cafés feutrés et des salons de thé, où l'on dégustait des Sachertorten en écoutant les opérettes de Franz Lehár et Le Chevalier à la rose de Richard Strauss, que nous restituent ces souvenirs. Hâtifs et vifs, magnifiés par le temps ou embaumés dans un rêve qui vire parfois au cauchemar, ils témoignent de la lente résurgence du merveilleux dans un monde peuplé de ruines : la Vienne magique et étincelante a-t-elle survécu au désastre ? Telle est la question que se pose Alfred Eibel avec pertinence et nostalgie.
Fiche technique
- Reliure
- Broché
- Parution
- Janvier 2022
- Nombre de pages
- 232
- Hauteur
- 21
- Largeur
- 13.5
- Épaisseur
- 1.7
- Poids
- 0.240 kg
- ISBN
- 9782080256126