l'islam sans faux semblants

   Dans ce livre, François Jourdan trouble la tranquillité du déni organisé, démasque la confusion entretenue et prend le risque de raviver la peur et le conflit inévitable. Mais les voir en face pour les désamorcer en les résolvant le plus possible, à l'avance des violences très probables qu'il faut éviter : voilà une solution non -violente et un chemin de liberté, permettant de bâtir une paix solide et durable.

L'HOMME NOUVEAU, Annie Laurent, décembre 2022 :

   Nous devons apprendre à être d’accord sur nos désaccords » : telle est la conviction que le prêtre eudiste François Jourdan, docteur en histoire des religions et anthropologie religieuse, entend faire partager aux catholiques intéressés par la rencontre avec les musulmans et engagés dans le dialogue islamochrétien. « Amour et Vérité » doivent guider cette démarche, insiste l’auteur. Or, déplore-t-il dans un style décapant, trop de confusions et d’ambiguïtés brouillent les objectifs annoncés, à savoir une compréhension réciproque en vue d’une coexistence pacifique. Et ces attitudes se retrouvent des deux côtés, chrétien comme musulman, même si les moyens et les finalités divergent chez les uns et les autres. une servitude volontaire Aux premiers, le père Jourdan reproche de cultiver une « servitude volontaire », de manquer de liberté et de courage, et même de se retrancher dans la peur, laquelle domine la raison. La primauté donnée à l’affectif et au pacifisme conduit ces chrétiens, y compris certains islamologues connus, à porter des « regards mensongers » sur l’islam. Et l’auteur de corriger les égarements doctrinaux si répandus sur le statut et le contenu du Coran, lequel est trop souvent associé à la Bible alors qu’il en travestit ou instrumentalise les éléments fondamentaux tels que Dieu et le monothéisme, Abraham et le prophétisme, foi et croyance, etc.

   Quant aux musulmans, hormis quelques intellectuels honnêtes cités dans le livre, ils se retranchent derrière des citations coraniques rassurantes ou le prétexte de l’interprétation, notamment au sujet de la violence, de la charia et de l’égalité. Rappelant la « normativité » de ces textes sacrés et l’ignorance de la laïcité qui en résulte, le père Jourdan prend d’ailleurs au sérieux les menaces qui pèsent sur l’Europe. Son appel documenté à la lucidité est donc bienvenu. Mais on hésite à le suivre lorsque, désapprouvant le « réflexe identitaire du christianisme », il préconise l’adoption d’une « laïcité de société (et non plus seulement de l’État) », pour empêcher toute « concurrence » entre religions.

   Une telle option ne négligerait-elle pas l’apport essentiel de la Révélation chrétienne aux valeurs qui fondent la culture européenne ?