Au moment où se joue une partie de l'avenir de l'Union européenne et du continent au risque de l'écartèlement, l'auteur nous donne ainsi de précieuses clés de compréhension de la situation actuelle dans toutes ses dimensions spirituelles, historiques et politiques.
- L'HOMME NOUVEAU, Maitena Urbistondoy, novembre 2022 : Article intégral en photo.
Ancrée dans une histoire millénaire et une brillante culture, fidèle à Rome dans un contexte orthodoxe hostile, et forte d’une longue amitié avec la France, l’Église gréco-catholique d’Ukraine reste largement méconnue. Didier Rance, dans Catholiques en Ukraine, souligne que son passé de persécution lui a valu la force des martyrs.
[...] A la fin de cet ouvrage, quel est le message que nous devons retenir ? Quel enseignement peut nous éclairer sur notre propre situation ?
Un message de résilience. J’évoque à la fin de mon ouvrage l’histoire de l’Irlande et de l’Ukraine. Deux pays qui ont attendu plusieurs siècles leurs indépendances. Ils ont chacun subi des occupations étrangères et ont pourtant toujours gardé leur identité propre. Il aura fallu en Ukraine 751 ans de lutte pour obtenir à nouveau la liberté. Un message d’ouverture. Il y aura une reconstruction nécessaire à l’issue des conflits actuels, et l’enjeu principal sera le pardon. Une réconciliation sera nécessaire pour éviter de répéter continuellement le même scénario. En 1987, un pardon réciproque a été offert par l’Église gréco-catholique d’Ukraine au patriarche de Moscou. Une démarche souvent mal vécue par de nombreux fidèles alors toujours persécutés, et hélas refusée par le patriarcat. La pacification de la mémoire est pourtant vitale.
- ALETEIA 20.10.2022 :
Si une paix sauvegardant le droit de la nation ukrainienne à la maîtrise de son destin advient, l’Église catholique d’Ukraine aura un rôle à y jouer. Diacre latin et byzantin, Didier Rance, qui vient de publier "Catholiques d’Ukraine" aux éditions Artège, montre comment la vocation particulière des gréco-catholiques à servir l’unité s’est creusée dans la résistance.
À l’Église gréco-catholique d’Ukraine, comme à ses Églises-sœurs catholiques orientales (elle est la plus importante par le nombre de ses fidèles), le concile Vatican II donne « à titre particulier la charge de promouvoir l’unité de tous les chrétiens, notamment des chrétiens orientaux » (Orientalium Ecclesiarum, 24), d’être une Église-pont. Compte tenu de l’importance du facteur religieux, réalité ou prétexte, dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine, cette charge lui donne donc un rôle particulier dans la résolution du conflit dont ce pays est la victime. Mais il ne faut pas aller trop vite. Les catholiques d’Ukraine, comme leurs frères orthodoxes et autres, peuvent faire leur la parole du bienheureux frère Christophe de Tibhirine peu avant son martyre : « Oui, il y a des ennemis. On ne peut pas nous contraindre à dire trop vite qu’on les aime sans faire injure à la mémoire des victimes dont chaque jour le nombre s’accroît.
Sans perdre de vue l’horizon de l’après-conflit et de sa mission d’unité, cette Église partage les souffrances de son peuple.
L’heure présente est celle de l’agression perpétrée depuis dix mois par Vladimir Poutine, celle des vies détruites ou abîmées, des massacres, crimes et atrocités que les catholiques subissent comme tous leurs concitoyens ukrainiens. Des missiles sont tombés ces jours-ci sur Lviv, Ternopil et Ivano-Frankisvk — les régions où les gréco-catholiques sont les plus nombreux ; depuis le début de l’agression, l’Université catholique d’Ukraine (pour laquelle je donne un cours sur l’unité des chrétiens) pleure des victimes parmi ses membres.
Sans perdre de vue l’horizon de l’après-conflit et de sa mission d’unité, cette Église partage les souffrances de son peuple ; par la voix de son chef, Mgr Sviatoslav Shevchuk, elle soutient le courage et la dénonciation des crimes, fait prier pour les victimes et pour la fin du conflit et ajoute à notre adresse : « Ne nous laissez pas seuls dans la douleur. »
La force de la vérité
L’avenir ? En cas de victoire de Vladimir Poutine, l’horizon est sombre. Les gréco-catholiques sont doublement menacés, en tant qu’Ukrainiens et en tant que catholiques : depuis le premier contact, au milieu du XVIIe siècle et jusqu’à 2014, il n’y a pas eu un seul exemple dans l’histoire, pas un seul, où la conquête de leurs régions par l’armée russe (sous ses noms successifs — moscovite, impériale russe, rouge soviétique ou Fédération de Russie) n’ait pas entraîné leur persécution en vue de leur liquidation.
Les déclarations faites le 3 avril 2022 par l’agence de presse officielle du Kremlin RIA Novosti sur le sort promis à la « province catholique » de l’Ukraine après une victoire russe ne laisse hélas aucun doute sur son avenir en ce cas, tout comme les déclarations du patriarcat de Moscou reprenant le mythe d’un unique « monde russe » orthodoxe millénaire. Plaise à Dieu que ceci ne se réalise pas, même si, depuis des siècles, la résistance et la résilience des gréco-catholiques, fut-ce dans les catacombes, est un signe de ce qui se passerait alors : en 1946, Staline décréta la « solution finale » par la persécution totale du « problème gréco-catholique ».
Quarante-trois ans plus tard, l’Église gréco-catholique est ressortie plus forte que jamais des catacombes ; comme me l’a dit alors Stephania Shabatura, une des héroïnes de la résistance et du Goulag, « la loi véritable de la vie, ce n’est pas ce qui paraît grand qui l’est réellement. Cela montre que le plus faible, s’il a la vérité avec lui, est plus fort que le plus fort. La seule vraie force, c’est la vérité ». Cela vaut et vaudra toujours.
Les deux poumons
Si une paix sauvegardant le droit de la nation ukrainienne à la maîtrise de son destin advient, l’Église catholique d’Ukraine aura un rôle à y jouer, auquel elle est doublement préparée. D’abord par son passé de fidélité aux deux poumons du christianisme, l’oriental (par son identité d’Église byzantine qu’elle partage avec les Églises orthodoxes) et l’occidental (par son lien avec Rome non rompu par la déchirure de 1054, qui a donné à ses chefs un rôle important lors des conciles d’Union au Moyen Âge puis pour la réaffirmation de l’Union depuis 1595-1596). Ensuite, depuis l’indépendance de l’Ukraine, par ses actions de réconciliation et de dialogue qui lient souci pastoral de ses fidèles et ouverture à l’unité des Églises avec les orthodoxes.
Quelques faits en ce sens : avant même la fin de la persécution soviétique, son chef alors en exil proposa un pardon réciproque au patriarcat de Moscou (hélas sans réponse à ce jour) ; l’Institut d’Études œcuméniques de l’Université catholique a été fondé par un orthodoxe d’origine russe ; l’Église et celle-ci ont multiplié les initiatives de réconciliation depuis trente ans, entre catholiques et orthodoxes, entre Ukrainiens et Polonais et Ukrainiens et Juifs, et celles pour la purification de la mémoire dans ce pays au passé multinational complexe et souvent tragique, auquel appartiennent Ukrainiens, Lituaniens, Polonais, Russes, Juifs, Tatars. Quoiqu’il advienne, cette mission et cette vocation de l’Église gréco-catholique d’Ukraine se poursuivront.
Trente ans après son indépendance, sa brutale invasion par la Russie a placé l'Ukraine, malgré elle, sous les lumières de l'Histoire. La guerre quasi-fratricide dicte désormais sa loi et appelle des questions essentielles : Quelle est l'histoire de ce pays au centre de l'Europe ? Quelles relations a-t-il entretenu avec la Russie au fil des siècles ? Quelle place tient le christianisme dans l'identité ukrainienne ? et particulièrement l'Eglise gréco-catholique d'Ukraine ? En parfait connaisseur de cette Eglise orientale de rite byzantin unie à Rome, l'auteur met en relief son importance dans une Ukraine à majorité orthodoxe abîmée par 70 ans de totalitarisme athée.
Avec lucidité, il pointe sans concession la double menace pesant sur elle parce qu'ukrainienne et parce que catholique. Son histoire trop longtemps méconnue, est depuis des siècles tissée de tragédies et de fidélité. Elle a été au xxe siècle une Eglise martyre, totalement liquidée avant de renaître plus forte que jamais. C'est cette histoire et son présent qui sont ici racontés à travers ceux qui l'ont faite, y compris les responsables de l'Eglise des catacombes et les survivants du Goulag que l'auteur a longuement rencontrés. Au carrefour entre Orient et Occident, l'Eglise gréco-catholique d'Ukraine se révèle être une formidable clé de compréhension des enjeux du conflit pour l'Europe. Au moment où se joue une partie de l'avenir de l'Union européenne et du continent au risque de l'écartèlement, l'auteur nous donne ainsi de précieuses clés de compréhension de la situation actuelle dans toutes ses dimensions spirituelles, historiques et politiques.
Fiche technique
- Reliure
- Broché
- Parution
- Octobre 2022
- Nombre de pages
- 300
- Hauteur
- 21.5
- Largeur
- 13.5
- Épaisseur
- 2.4
- Poids
- 0.370 kg
- ISBN
- 9791033613169