- Première édition publiée en 1931.
Cette vie de Napoléon par Bainville est dotée de toute les qualités habituelles des ouvrages du grand historien. Loin de toute hagiographie, le récit est empreint de cette impartialité (la marque de fabrique de Bainville) et de cette absence de toute idéologie pour ne s'attacher qu'aux faits historiques, afin que ces derniers servent à la compréhension de l'histoire sans être analysés sous les critères de la pensée dominante du moment...
Ce n'est pas la moindre qualité de ce récit magistral, qui demeure un classique incontournable parmi les innombrables biographies de Napoléon...
L'homme extraordinaire savait, non seulement ce que son destin avait eu de prodigieux, mais le concours d'événements qu'il avait fallu pour l'élever à l'Empire et le rendre neveu du roi dont, lieutenant obscur, il avait vu la chute à la journée du 10 août.
"Quel roman, pourtant ma vie !" s'écriait-il au moment de l'épilogue. Une autre fois à Sainte-Hélène, il disait qu'il s'écoulerait mille ans avant que les circonstances qui s'étaient accumulées sur sa tête vinssent en chercher un autre dans la foule pour le porter aussi haut.
Lui-même, qu'a-t-il été ? Un homme tôt revenu de tout, à qui la vie a tout dispensé, au-delà de toute mesure, pour le meurtrir sans ménagement. La première femme n'a pas été fidèle, la seconde l'a abandonné. Il a été séparé de son fils. Ses frères, ses sœurs l'ont toujours déçu. Ceux qui lui devaient le plus l'ont trahi. D'un homme ordinaire, on dirait qu'il a été très malheureux. Il n'est rien qu'il n'ait usé précocement, même sa volonté. Mais surtout, convient de jours, à sa brillante époque, a-t-il pu soustraire au souci qui le poursuivait, au sentiment que tout cela était fragile et qu'il ne lui était accordé que peu de temps ?
"Tu grandis sans plaisir", lui dit admirablement Lamartine. Toujours pressé, dévorant ses lendemains, le raisonnement le conduit droit aux écueils que son imagination lui représente, il court au-devant de sa perte comme s'il avait hâte d'en finir.