Un portrait bref et acéré - Ignace de Loyola
LES LIVRES D'ANTOINE, février 2023 : lire l'article en entier
Inigo, c’est Saint Ignace de Loyola, le fondateur des Jésuites et rédacteur des fameux Exercices dans lesquels le retraitant se recueille devant diverses méditations, notamment celle, inoubliable, des deux étendards. Saint Ignace fut officier, homme de cour et de cœur, amateur de jolies femmes. Malgré cette vie dissipée, une volonté de fer habitait ce personnage si peu ordinaire.
En guerre contre les Français, il défend la place de Pampelune et est grièvement blessé à la jambe. En convalescence, on lui annonce que l’os est mal ressoudé et qu’il restera boiteux. Désireux de reprendre du service et de revenir à la cour, il demande qu’on lui recasse la jambe. Ses souffrances sont terribles et son immobilisation très longue. Il s’ennuie et n’a que deux livres à portée de main : une vie de Jésus-Christ et La légende dorée de Jacques Voragine. C’est une révélation suivie d’une conversion. Il quitte tout, part en boitant sur les routes et s’inflige de très grandes pénitences. Il croit avoir trouvé ce qu’il doit faire, mais ce n’est pas encore ce que Dieu veut pour lui.
Ce petit livre est très beau et d’une grande profondeur. Après une rapide description de la mort de Saint Ignace, l’auteur s’attache à décrire sa conversion et non l’ensemble de sa vie. Cela donne un livre dense, sans dialogue, exigeant mais qui se lit fort bien grâce à un style très fluide. Entré récemment à l’Académie française, François Sureau démontre de belles qualités d’écrivain par cette recherche spirituelle qui touche le lecteur.
MOUVEMENT CATHOLIQUE DES FAMILLES :
François Sureau signe certainement dans ce « portrait », l’un de ses ouvrages, à la fois le plus original et le plus personnel. Elevé, comme beaucoup d’hommes de sa génération, chez les Jésuites, l’auteur se trouve très jeune confronté à la figure du fondateur de la Compagnie de Jésus : saint Ignace de Loyola. Mais les temps de tourmente des années soixante ne lui permettent pas de trouver un Jésuite capable de lui faire découvrir la vérité de saint Ignace. Plus de quarante après, voici qu’il livre au lecteur sa découverte personnelle de cette grande figure de sainteté catholique. Et ce qui intéresse l’auteur, ce n’est pas tant de retracer la vie d’Ignace, Inigo en Basque, que d’essayer de pénétrer dans l’âme et le cœur du jeune homme au moment où il va décider de consacrer toutes ses forces au seul roi capable de la combler : le Christ.
Sureau va donc tenter de se mettre à la place d’Inigo pour retracer au lecteur le combat intérieur de cette âme, au moment où elle va donner toute sa vie au Christ. S’appuyant à la fois sur les données historiques et les écrits de la Compagnie, nous suivons Inigo depuis la veille du siège de Pampelune jusqu’à son détachement du monde. Le récit introspectif reste vivant et n’écarte aucune difficulté. Inigo apparaît alors très humain, connaissant les mêmes combats et les mêmes tentations que tout être humain. Son " fiat " sera le résultat d’un combat spirituel « aussi brutal que la bataille d’hommes " (Rimbaud).
Parmi les nombreux mérites de ce bel ouvrage, il faut souligner ce souci de Sureau de bien montrer que la sainteté n’est pas une négation de la nature humaine : chacun doit sanctifier cette nature et ce tempérament que Dieu lui a donnés. " Par bien des côtés, l’appel de Dieu n’a pas contredit cette nature, mais l’a poussée, en la purifiant, à son point d’aboutissement " (p. 144). Voilà une vérité que ne contredirait pas le saint dominicain Thomas d’Aquin.
La langue littéraire et les réflexions profondes donneront à tous de quoi réfléchir dans la beauté d’un ouvrage qu’il sera facile de lire dès 15 ans.
"J'ai longtemps détesté Ignace de Loyola, lui trouvant l'air d'un égaré baigné de larmes. nous appelant sans discrétion aux sacrifices qu'une imagination médiévale lui faisait concevoir. Je n'aimais ni sa phrase, ni ses deux étendards, ni son passé de soldat ni son avenir de général du pape, ni son visage au front étroit et fuyant. Son militarisme m'écœurait, tout comme ses règles et ses disciplines et les mille arguties de sa correspondance. Je ne voyais pas comment le même homme qui avait voulu, selon la tradition orientale, devenir "fou pour le Christ'', et méprisé. pouvait dans ses lettres peser à ce point le pour et le contre et composer avec les puissants".
En un portrait bref et acéré, François Sureau fait céder l'image trop lisse d'un homme auquel les livres pieux sont impuissants à rendre justice.
Fiche technique
- Reliure
- Broché
- Parution
- Août 2019
- Nombre de pages
- 178
- Hauteur
- 18
- Largeur
- 11
- Épaisseur
- 1
- ISBN
- 9782070445363