Clotilde Devillers

PRESENT - Samuel, samedi 13 septembre 2014

Clotilde Devillers, une oeuvre

Clotilde Devillers, peintre et sculpteur, est décédée fin 2008. Présent lui avait rendu hommage (cf. le Supplément littéraire du 10 janvier 2009). Le monastère de l’Annonciation édite aujourd’hui un album où l’on trouve ses œuvres les plus représentatives, accompagnées d’une notice biographique.

Peintures murales, icônes, vitraux, sculptures sur bois et sur pierre : l’art religieux de Clotilde a emprunté des voies techniques différentes mais toujours dans la même direction, du visible à l’invisible, du beau au vrai. Son art est destiné à porter la prière, qu’il s’agisse de la dévotion privée ou de la prière de l’Eglise, ou de celle, spécifiquement, des moines et moniales du Barroux pour les abbatiales desquels elle a beaucoup travaillé.

   Dans cette oeuvre abondante, tributaire pour une part des commandes que l’artiste s’engage à livrer, l’inspiration manque parfois. La commande est une astreinte, c’est aussi la grandeur d’un artiste de l’accepter. Lorsque l’inspiration est présente, cela donne des sculptures et des peintures marquantes. Belles sculptures : un petit Saint Joseph (pour le monastère du même nom, à Avrillé), un grand Christ en croix (pour l’école polytechnique de Londres), les chapiteaux du cloître des moniales de l’Annonciation, sur le thème des litanies de la Sainte Vierge. Quarante chapiteaux où se joue, dans la rigueur du bloc donné, la fantaisie de l’invention formelle.

   Parmi les peintures, ce sont deux peintures murales qui, d’après moi, expriment le mieux l’art de Clotilde : les Noces de Cana (abbaye Sainte-Madeleine, 1992) et la Visitation (abbaye de Notre-Dame de l’Annonciation, 2008). Peinture joyeuse que la première, grave que la seconde. Question de sujet, de temps aussi, car en 2008 l’artiste se savait condamnée.

De la même période (2007-2008) datent des toiles peu connues. Des paysages aérés comme l’est le Vaucluse : Le Mont Ventoux, Les Dentelles de Montmirail, Caromb… Paysages qu’elle connaissait bien et qu’elle a voulu fixer, avec une sensibilité presque douloureuse qui ne se manifeste que là.

L’Atelier

   Clotilde Devillers représente et résume, dans l’esprit des gens, l’Atelier de la Sainte Espérance. Cela est réducteur. D’autres artistes y ont pratiqué leur métier. Je pense à Sabine Delmaire, qui a brodé maints ornements liturgiques dessinés par Clotilde. Je pense à Marie-Agnès Mathieu qui s’est lancée dans un art difficile, celui de la mosaïque. La mosaïque est quelque peu rebutante pour un public catholique plus attaché au lisse qu’au rugueux. On peut voir quelques-unes de ses œuvres dans le village du Barroux, dans des niches et des oratoires, ainsi qu’au monastère de l’Annonciation. (Les sœurs ont édité en 2006 un livret où sont reproduits des détails du tapis d’autel : La joie, florilège liturgique). Je pense aussi à une personne proche de l’atelier, le sculpteur Isabelle Quilton, dont un bas-relief orne le cloître des moniales.

   L’atelier n’est plus. Albert Gérard est décédé en 2011. Il a légué aux moines la Fondation Charlier et sa bibliothèque d’ouvrages sur l’art, ainsi que ses maisons – « les maisons d’Albert », disait-on : il en avait acheté un tronçon de rue, comme au Monopoly, pour l’Atelier et lui-même. Elles sont devenues, comme c’était sa volonté, des gîtes d’accueil pour les amis du monastère. L’histoire de l’Atelier et de ses artistes reste à écrire. Le livre sur Clotilde Devillers en est un élément important.