Vie du vénérable Louis-Marie Grignion de Montfort

   Si la vie du V. Montfort fut une protestation contre le sen­sualisme de ses contemporains, l’Église, en proclamant ses vertus héroïques, nous donne une leçon et un exemple dont nous avons aussi grand besoin que les Français du xviiie siècle. Les germes de corruption qui ne faisaient qu’éclore se sont épanouis en toute liberté. Le besoin de la jouissance, l’horreur de la privation sont aujourd’hui le mobile de notre activité fiévreuse. C’est le but de l’énergie sociale et individuelle, c’est là que tendent les décou­vertes industrielles, les théories politiques et scientifiques. La morale elle-même s’est énervée : elle ne cherche plus sa sanction dans l’idée de Dieu et l’espoir de la récompense infinie ; elle n’impose le devoir et la répression des appétits que comme une condition de paix et de bien-être ici-bas ; elle nie la parole de l’Évangile qui avait dit : Heureux ceux qui pleurent ; elle soutient l’affirmation contraire et dit : Heureux ceux qui sont dans la joie ; elle étouffe l’idée surnaturelle dans son atmosphère sensualiste.

   À notre époque, il faut donc étudier ces héros de la croix qui ont suivi de plus près la trace de leur maître.

   C’est sous ce rapport que nous avons analysé la vie et le caractère du V. Montfort. Tout en restant fidèle à la vérité historique, chaque biographe représente son héros comme il le voit et comme il le sent. Les faits que j’ai rapportés ne diffèrent en rien de ceux qui ont été consignés par mes devanciers ; mais en peignant le V. Montfort, je n’ai eu garde d’adoucir l’âpreté de ses traits. Je l’ai décrit comme je l’ai trouvé dans ceux qui ont le mieux étudié et connu son caractère.