Avant-propos de Daniel Heck, président du Cercle des Amis de Louis Bertrand.
Ont participé à ce recueil d’études : Jacques Alexandropoulos, Marie-France David - de Palacio, Anne Dulphy, Peter Dunwoodie, Éric Georgin, France Marie et Jacques Frémeaux, Michel Grunewald, Frédéric Gugelot, Laurent Jalabert, Alain Lanavère, Laure Meesemaecker, Étienne Maignan et Christophe Poupault.
A la demande d’Éric Georgin, professeur agrégé d’histoire à l’université Paris 2-Panthéon Assas, quatorze universitaires ont relu l’œuvre de Louis Bertrand et analysent dans ce volume ses engagements littéraires, politiques et religieux. Olivier Dard, professeur à Sorbonne Université tire les conclusions de leurs travaux.
LE NOUVEAU PRESENT, Camille Gallic, 2023 : Un Immortel ressuscité
Comme Robert Brasillach, Louis Bertrand (1866-1941) sortait de Normale Sup’, comme lui, il connut la notoriété dès son entrée en littérature, fut un auteur à très grands succès et exerça une influence certaine sur ses contemporains ; comme lui, et bien qu’ancien dreyfusard, il fut proche de Maurras, comme lui il céda au tropisme méditerranéen, comme lui encore il admira la vitalité du fascisme italien puis fut séduit par le national-socialisme jusqu’à assister en 1935 au congrès de la NSDAP à Nuremberg (dans son livre Hitler, qui fut d’ailleurs diffusé par Je suis Partout, cet ancien germanophobe virulent affirmait que le Führer avait « refait la nation » allemande et le créditait « d’un dévouement absolu à la chose publique »), comme lui toujours, il prit fait et cause pour le général Franco qui, contre les Rouges, a « recommencé la guerre de reconquête comme au temps du Cid et d’Alphonse de Castille ». Mais les similitudes s’arrêtent là.
Au contraire du méridional Brasillach, dont l’alacrité journalistique n’altérait pas la bonhomie foncière, le Lorrain Bertrand était un « gros balourd », éruptif, sujet aux foucades et aux revirements les plus déroutants. Souvent injuste et brutal — sa correspondance et même ses dédicaces en témoignent, ainsi que son éloge, qui tourna à l’éreintement, de son prédécesseur Maurice Barrès à l’Académie française —, il n’aimait pas grand monde et excellait à se mettre tout le monde à dos. Ce qui ne l’empêcha pas de devenir l’un des écrivains les plus célèbres de la première moitié du XXème siècle. Et l’un des rares à être toujours réédité.
Un chantre de l’Afrique latine. De Louis Bertrand, j’avoue humblement que je ne connaissais que son Louis XIV et ses Villes dorées sur les splendides (mais si méconnus désormais) sites romains d’Afrique du Nord et surtout d’Algérie où il fut sept ans durant professeur de rhétorique, et en tira un émerveillement constant. Mais à l’automne 1981, pour le 60ème anniversaire de sa mort, Éric Georgin, professeur agrégé d’histoire à Panthéon-Assas, eut l’idée d’organiser dans cette université un colloque auquel participèrent quatorze de ses collègues — dont certains, tels Olivier Dard ou Alain Lanavère, bien connus de nos lecteurs et des auditeurs de Radio Courtoisie. Ce sont les actes de ce passionnant colloque, portant sur toutes les facettes de cet « énergumène », comme disait Robert Poulet de Rebatet, que publie aujourd’hui Via Romana sous le titre Louis Bertrand, un écrivain français entre Europe et Afrique. A travers les diverses communications, toutes de grande qualité, on découvre un homme, traumatisé par la défaite de 1870 et l’annexion de l’Alsace-Moselle, qui voit dans le terreau algérien l’occasion de faire naître la race d’hommes nouveaux dont la France vaincue a besoin, mais aussi, comme l’écrit Éric Georgin, de susciter « une patrie nouvelle, surgeon de l’Empire romain, où le sang des races latines, — à l’exclusion des Arabes — allait donner un nouvel élan à une patrie française défaite et décadente » (c’est un peu la même idée qu’exprimait Jacques Bainville dans Le Symmaque, l’une des nouvelles de son recueil La Tasse de Saxe). En Algérie, Louis Bertrand ne trouve pas seulement l’éblouissement solaire mais aussi la lumière de saint Augustin, auquel il consacra en 1913 l’une de ses plus célèbres biographies (avec son Louis XIV et son Napoléon), avant que ce très tiède sinon agnostique catholique ne retourne au catholicisme de son enfance à la faveur d’un voyage à Bethléem. Exprimé dans Le Sang des races etLe Sang des Martyrs, son « désir fou de retrouver le génie latin de l’Afrique du Nord » est satisfait par ses voyages en Libye où l’émerveillent les ruines de Leptis Magna — qui devait durablement fasciner également le professeur Louis Rougier, l’un des mentors de la Nouvelle Droite — mais aussi les prodigieuses réalisations des nouveaux colonisateurs italiens : routes « comme des rubans » là où les voies romaines étaient devenues des pistes chamelières, hôpitaux ultra-modernes, fronts de mer « rappelant Nice et Cannes » et arcs de triomphe aussi impressionnants que celui d’Orange. « Le jeune fascisme paraît bien être la formule de l’avenir », écrit-il.
La hantise du fanatisme islamique. Pourquoi celui qui, dans sa jeunesse, avait pourfendu les « stupides nationalistes », en était-il venu à soutenir deux régimes nationalistes ? Par horreur du bolchevisme et des « combines scélérates de la finance judéo-germano-américaine » susceptibles de préparer un avenir « où l’on trébucherait dans les ruines et dans le sang ». Ce qui n’était pas si mal vu, de même que l’enseignement majeur qu’il avait tiré de ses innombrables voyages sur les rives sud et est de notre Mare nostrum, à savoir qu’à brève échéance, l’islam politique (mais en est-il d’autres ?) constituerait une grave menace pour les empires coloniaux : « Nous nous imaginions que, comme chez nous, la religion agonisait partout ailleurs [et] voilà que je constatais dans tous les pays que je traversais […] une recrudescence du fanatisme, ce fanatisme religieux étant considéré […] comme le meilleur moyen d’exaltation patriotique et de résistance à l’étranger. » Le mal-pensant Louis Bertrand eut la chance de s’éteindre en 1941. Il échappa ainsi à son expulsion de l’Académie dont, à la Libération, furent ignominieusement chassés Maurras et les deux Abel, Bonnard et Hermant, voire à douze balles dans la peau, comme son infortuné cadet Brasillach.
À l’automne 1891, Louis Bertrand arrive en Algérie : c’est le coup de foudre. Professeur de rhétorique au lycée d’Alger, il habite Bab-el-Oued et fréquente les charretiers valenciens, alicantais, catalans, mahonnais ou mayorquins qui sont les héros de son premier roman, Le Sang des races. Pour lui, le petit peuple d’Algérie, melting-pot d’Espagnols, d’Italiens et de Maltais nouveaux débarqués, va régénérer la France humiliée par la défaite de 1870. « Populiste » avant l’heure, Louis Bertrand est un dreyfusard déterminé et il dénonce les violences des « antijuifs » dans son deuxième « roman africain », La Cina. Comment le cosmopolite devint-il nationaliste ?
omment le promoteur d’une république coloniale devint-il monarchiste et compagnon de route de l’Action française ? C’est ce qu’expliquent les études rassemblées par Éric Georgin et présentées lors d’un colloque organisé à l’université Paris 2-Panthéon Assas pour le quatre-vingtième anniversaire de la mort de Louis Bertrand (1866-1941). Ce recueil d’études est l’occasion de redécouvrir et de réévaluer l’œuvre d’un romancier, biographe, essayiste et journaliste français – réédité avec succès aux éditions Via Romana –, qui s’engagea hardiment dans tous les débats littéraires, politiques et religieux de son temps, à l’époque de Dreyfus comme à celle d’Hitler…
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