Dans le creuset des apparitions de Tilly

    De Tilly, il faut reparler avant que ne s'écoule cette année, dite mariale, qui nous aurait valu tant de grâces. La divinité se tient jalousement — ou mélancoliquement — en dehors des limites et des sentiments humains, mais ne peut-on imaginer que le dédain où est tombée une des manifestations les plus accentuées de la Vierge, n'attriste le Ciel.

   Autour de nous, s'épanouissent toujours les immenses grâces reçues. Lourdes réunit le monde entier, et Fatima s'accroit sans cesse. Or, on a laissé s'étioler le miracle de Tilly ; il s'est trouvé, pour son étouffement, une suite afflictive de circonstances, d'interventions néfastes et qui ont permis de n'en point faire état.

   On ne peut nier, en conservant tout le respect désirable, l'action maléfique de Mgr Amette, qui succéda à Mgr Hugonin au siège de Bayeux et qui se montra ouvertement défavorable à Tilly. Celui qui se haussera jusqu'au siège épiscopal de Paris dut peut-être sa nomination à sa sévérité. Qu'on n'imagine pas chez nous quelque boutade issue d'un sang encore trop vif et d'une âme aisément partisane. Nous avons longuement demandé, longuement réfléchi avant d'écrire.

 Tilly a fait ruisseler les grâces depuis le 18 mars 1896 jusqu'en 1905. Les visions sont incomptables et les apparitions n'ont jamais cessé... Tilly fut lentement relégué. Autour de lui, on a créé le silence, ce silence si particulier et d'une ténacité que rien ne disjoint, dont nous voyons tant d'exemples à notre époque. Disons que pareil mutisme, dont nous constatons l'effet morbide, est plus lâche que l'injustice elle-même.

 Je possède un extraordinaire document datant de 97, dont l'imperfection n'empêche pas l'étrangeté : la voyante, Marie Martel, au milieu des villageoises : cette colombe céleste entre des oiseaux de nuit ».

27 novembre 1958   Jean de La Varende