Préface de Pierre de Meuse.
Un ouvrage indispensable pour comprendre l'histoire de la droite intellectuelle.
L'ACTION FRANCAISE, entretien de Guillaume Staub avec Pierre de Meuse, juillet 2023 : lire l'article en entier
Guillaume Staub : Pourriez-vous, dans un premier temps, nous raconter la genèse de ce célèbre ouvrage de Charles Maurras ? Quelle place tient-il dans l’œuvre du maître de Martigues ?
Pierre de Meuse : ce livre est d’une facture inhabituelle chez Maurras, qui a souvent composé des ouvrages avec des recueils d’articles publiés antérieurement dans l’AF ou la Gazette de France. Il faut dire que lorsque ce résumé de sa doctrine fut rédigé, son auteur était en prison pour avoir prétendument menacé de mort Léon Blum et avoir tenté de l’assassiner ; il était donc disponible pour une écriture au calme. L’idée d’un compendium logique de sa doctrine vient d’une de ses collaboratrices, Rachel Legras, qui signait sous le pseudonyme de Pierre Chardon et qui rédigea d’ailleurs le « Dictionnaire politique et critique », si précieux pour les chercheurs et les personnes intéressées par les écrits du maître de Martigues. Maurras se mit immédiatement à l’ouvrage et en quelques mois le livre fut terminé. Cela dit, à mon sens si cette œuvre est pleine de rigueur et de mesure, elle ne fut pas la préférée de l’auteur. Car le martégal n’était pas un homme de système. En tant qu’esthète, il aimait plutôt les travaux formant un tout plutôt que les démonstrations entassées chapitre après chapitre. En revanche, pour nous, c’est un outil irremplaçable, parce que chaque idée est à sa place dans le raisonnement sans qu’on puisse contester cette place.
BREIZH INFOS, juillet 2023 :
Nous avons beau être en 2023, Charles Maurras (1868-1952) est toujours lu et relu. Parfois mal, parfois mal compris, mais toujours d’un écho certain.
Alors La Nouvelle Librairie a eu l’idée de rééditer l’un de ses ouvrages essentiels « Mes idées politiques », préfacé par Pierre de Meuse. Pour évoquer ce livre, et la pensée de Maurras, nous avons interrogé le préfacier du livre, Pierre de Meuse.
- Breizh-info.com : Pouvez vous vous présenter à nos lecteurs ? A quelle occasion avez-vous découvert les écrits de Charles Maurras, et quelles sont les principaux enseignements que vous avez retenus de lui ?
- Pierre de Meuse : Je suis un vieux militant des combats perdus et je serai bientôt octogénaire, mais je m’obstine à rester fidèle, peut-être, diront certains, dans une opiniâtreté maniaque, aux idéaux de ma jeunesse, que j’ai eu le temps depuis soixante ans de passer au crible de l’esprit critique sans les renier. Il en est de Maurras comme des autres engagements pris au cours de ma vie. La première fois que j’ai lu sa prose (précisément le livre objet de ma préface), j’avais seize ans et les objurgations conjuguées de mes professeurs de philosophie et d’histoire, ainsi que de l’aumônier du lycée, de ne pas « nous empoisonner l’esprit » en lisant cet auteur, décédé en ce temps-là depuis dix ans à peine, m’avaient encouragé au contraire à braver l’interdit et à lire un de ses livres avec la délectation d’une bravade. Pourtant, sa lecture m’avait peu enthousiasmé à cause du choix pris par l’auteur de la logique stricte, ne perdant pas un instant à démonter les idées reçues dont l’enseignement nous avait gavé. Je cherchais l’émotion enivrante dans un effort pour tout concilier, et je trouvais l’enchaînement aride des idées-mères, alors que leur perception et leur définition m’était encore bien vague ; J’étais à la fois déçu et conscient qu’il me manquait des éléments pour la comprendre. C’est en lisant d’autres ouvrages de Maurras que j’ai peu à peu découvert les clefs de sa pensée qui me manquaient.
- Breizh-info : Comment décririez-vous la vision globale et cohérente de la pensée de Charles Maurras présentée dans « Mes idées politiques » ?
- Pierre de Meuse : Il faut bien avoir à l’esprit que le maître de Martigues a recueilli une part importante de la pensée d’Auguste Comte. Sa démarche n’est pas de dire ce qui doit être mais avant tout ce qui est. Et de mettre en lumière les voies que suivent nécessairement les sociétés humaines. Par exemple, l’un de ses premiers chapitres est consacré à justifier « l’inégalité protectrice ». Au premier abord, ce discours pourrait heurter un jeune esprit nourri d’humanisme révolutionnaire. En effet, notre temps répète à longueur de discours qu’il n’y a jamais trop d’égalité. Et pourquoi ? Parce que les dogmes issus des Lumières affirment que ce qu’il y a de plus humain dans l’homme, c’est l’égalité, puisqu’elle est infusée avec la naissance en ce monde chez la totalité des individus qui forment le genre humain. Et là, dès les premières pages, ce livre ignore ce dogme, ne prenant même pas la peine de le contester. Mais attention, ce n’est pas pour affirmer le dogme contraire : Maurras ne dit pas : « il n’y a jamais trop d’inégalité ». Il dit simplement que l’égalité n’est pas un élément constitutif des sociétés, mais au contraire qu’il peut arriver dans certaines circonstances fréquentes, que l’inégalité soit un correctif contre le malheur. Et c’est ainsi que, au contraire des sociétés tribales qui exterminaient jusqu’au dernier les guerriers vaincus des tribus concurrentes, les premières principautés ont institué l’esclavage il y a quelques milliers d’années, lequel était préférable au meurtre collectif. Il y a une place pour l’égalité et une place pour la reconnaissance de différences. C’est une pensée nuancée. Mais les ennemis de l’illustre provençal en ont inféré, par simplisme ou mauvaise foi, que Maurras voulait rétablir l’esclavage !
L’ouvrage poursuit sa route en passant en revue les composantes de la société et la nécessité de la reconstruire, en conformité avec les traditions de notre pays, en respectant les fécondes identités locales. Ce qui est important, dans ce livre, c’est qu’il est construit comme un chemin logique, sur lequel le lecteur est aiguillé par le traitement de chaque étape.
Charles Maurras est le penseur par excellence du nationalisme français au xxe siècle. Éditorialiste du journal L’Action française et intellectuel de premier plan, sa vaste œuvre de théoricien, polémiste et philosophe, se déploie sur un demi-siècle, autant d’écrits dont la réception va bien au-delà des frontières françaises.
Maurras a néanmoins tardé à formaliser une synthèse de sa pensée, ne voulant pas passer pour un écrivain dogmatique. Publié en 1937, ce livre est un recueil d’articles introduit par une longue présentation inédite des fondamentaux de la philosophie de son auteur. Il y réalise une synthèse doctrinale complète, profonde, dans une langue au classicisme impeccable.
Mes idées politiques est l’énoncé d’un système qui postule une conception holiste de l’homme et de la société se réalisant dans le nationalisme intégral, seule politique naturelle possible pour la France. Une lecture capitale pour comprendre l’histoire de la droite intellectuelle et dissiper les nuées de l’égalitarisme.
Fiche technique
- Reliure
- Broché
- Parution
- Mai 2023
- Nombre de pages
- 323
- ISBN
- 9782493898609